2. L'homme qui "brisa la glace"
Cette célèbre expression, nous la devons à
Willem De Kooning, peintre américain d'origine néerlandaise
qui, comme Pollock, est l'un des principaux représentants de
l'Expressionnisme Abstrait. Ainsi, il faut comprendre que Pollock
est celui "qui a fait franchir une étape décisive à la
peinture américaine en l'affranchissant de la tradition européenne."
(34)
Barbara Rose souligne que Pollock "a brisé la glace" :
En maniant le geste de peindre et le geste de dessiner au
sein d'une technique automatique qui ne reproduit pas les
mouvements des doigts mais ceux, plus naturels, du poignet et du
bras. (35)
Le terme "automatique" fait référence au principe de "l'automatisme physique", principe selon lequel des peintres surréalistes comme Max Ernst et André Masson ont utilisé le dripping.
Si le "mythe Pollock" vise à le fixer en tant que personnage mystérieux et génial, diffusant ainsi une image idyllique éloignée de la réalité, personne ne peut nier l'impact de la technique qui a assuré le passage d'une peinture traditionnelle à une peinture avant-gardiste pour de nombreux artistes.
3. L'importance de Jackson Pollock.
"L'art de Pollock, aux yeux de
Greenberg, représentait le type le plus accompli d'art américain".
(36) Cette remarque, du critique d'art Clement Greenberg, reflète
tout à fait la pensée de nombreux artistes pour qui la
technique du dripping est révolutionnaire, en effet :
Cette technique qui répond à un besoin réel est une véritable
révélation non seulement pour Pollock et sa géné ration, mais
aussi pour l'ensemble de ce que l'on appelle maintenant le "modernisme
tardif". (37)
Grâce au dripping, on observe donc un changement
radical dans l'histoire de l'art américain. La technique de
Pollock marque un tournant, d'une part pour ses contemporains
pour qui, comme le dit De Kooning, "il a brisé la glace"
, et d'autre part pour la nouvelle génération d'artistes qui va
s'inspirer et prendre modèle sur Pollock car :
Indépendamment des affres de sa vie tourmentée et violente,
Pollock reste en effet une source d'inspiration pour les
artistes, les historiens de l'art et le public amateur de
peinture. Son oeuvre continue de procurer aux spectateurs une
satisfaction intérieure profonde et beaucoup s'accordent à
penser qu'il incarne parfaitement l'esprit d'une époque en
crise, s'interrogeant sur des valeurs humaines. (38)
(33) De Kooning déclara : "Il a brisé la
glace" lors d'une exposition chez Betty Parson en Janvier
1948 où Pollock exposait ses "drip paintings".
(34) G. Boudaille, P. Javault avec la collaboration d'Ann Cremin,
La peinture Américaine, Nathan, Paris, 1992, p.90.
(35) Barbara Rose, La peinture Américaine-le XXème siècle,
SKIRA, Genève, 1986, p.86.
(36) Serge Guilbaut, Comment New York vola l'idée d'Art
Moderne, éditions Jacqueline Chambon, Nîmes, 1996, p.224.
(37) Daniel Wheeler, Op. Cit., p.42.
(38) Justin Spring, Op. Cit., p.112.