3. Qu'a-t-il apporté au dripping ?

1/Un très grand format pour une peinture abstraite
Les grands formats de Pollock naissent de son interêt pour des peintres muralistes mexicains comme José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros qui a initié Pollock au dripping. En effet :
Il a assisté a des utilisations expérimentales de cette technique dès 1936, où elle faisait partie des nombreux procédés étudiés dans l'atelier de Siqueiros(5)

En réalité, Pollock recherche un intermédiaire. Il a en effet déclaré : "J'ai l'intention de peindre de grands tableaux amovibles qui fonctionneront entre la peinture de chevalet et la peinture murale" (6).

2/L'utilisation des propriétés materielles de la peinture
Lorsque nous regardons une "drip painting", il ne faut pas rechercher un "sujet" ou un "objet", il faut simplement voir et apprécier une composition picturale chromatique harmonieuse. Pollock disait :
Je pense qu'on ne doit pas chercher, mais regarder passivement - essayer de recevoir ce que le tableau a à offrir et ne pas apporter un sujet ou une idée préconçue de ce qu'on va chercher.
(7)

3/Un langage pictural nouveau :
Avec le dripping, la peinture est littéralement déversée sur la toile posée à même le sol sous forme de giclures, d'éclaboussures... Pollock utilise de nouveaux outils, notamment des "bâtons, pinceaux durcis ou, lorsque la peinture était versée directement du pot, ses propres bras." (8)

4/Automatisme du geste :
Pollock peint de façon "automatique" c'est-à-dire sans réfléchir, mais contrairement aux surréalistes, il nie l'accidentel.

5/Suppression du cadre :
Les "drip paintings" de Pollock n'ont jamais été encadrées. Les coulures remplissent la toile et ainsi donnent une impression d'infini.

6/Une peinture très visuelle
Dans ce type de peinture, ce que l'on voit avant tout sont les entrelacs de couleurs, en effet :
Pour Greenberg, c'est là que résidait le génie de l'oeuvre de Pollock : le type de troisième dimension qu'il offrait "est une troisième dimension strictement picturale, strictement optique (...) dans et à travers laquelle on ne peut regarder et voyager qu'avec les yeux.(9)

Bref, le dripping est une technique de déversement de peintures déjà utilisée par des peintres surréalistes dans les années trente. Jackson Pollock fait d'un procédé pictural une technique à part entière qu'il développe à partir de 1947. De quelle manière le dripping de Pollock a-t-il été diffusé ?


Lavender Mist, Number One, 1950, Huile, peinture émail et aluminium sur toile, 221 x 299,7 cm,
National Gallery of Art, Washington D.C., 1950.

(4) Nous reprendrons les six points traités dans l'ouvrage de Justin Spring, p. 71 et 74.
(5) E.A. Carmeon, Jr., "L'art de Pollock en 1950" , Op. Cit.
(6) Déclaration de Jackson Pollock pour la bourse Guggenheim cité dans Jackson Pollock. Exposition 21 janvier-19 avril 1982, Centre Georges Pompidou, Musée National d'Art Moderne, 1982.
(7) J. Pollock : déclarations, dans une interview réalisée par Howard Putzel, parue dans Arts and Architecture en Février 1944.
(8) David Anfam, Op Cit., p. 120.
(9) Rosalind E. Krauss, "Emblèmes ou lexies : le texte photographique" inclus dans Hans Namuth, L'Atelier de Jackson Pollock, Op. Cit.

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